Lutte contre la pollution lumineuse : un nouveau plan lumière pour Paris ?


Au-dessus des grandes villes, les étoiles semblent avoir disparu du ciel... Elles ne sont plus visibles à cause de la pollution lumineuse. C'est l'une des conséquences de l'excès d'éclairage artificiel, mais ce n'est pas la seule. La pollution lumineuse représente également un gaspillage énergétique non négligeable… Et il est aujourd'hui avéré qu'elle a aussi des impacts néfastes sur les humains, les animaux, les végétaux, et constitue en particulier une source de perturbations pour la biodiversité. Or en 25 ans, la lumière artificielle la nuit a augmenté de 94 %.

Une réglementation ambitieuse

La France a décidé de se saisir de ce problème et s'est dotée d'une vraie politique de lutte contre la pollution lumineuse. Depuis la loi « Grenelle II » (2010), le code de l'environnement (article L.583-1) impose de « prévenir, supprimer ou limiter les émissions de lumière artificielle » si ces émissions sont « de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, si elles entraînent un gaspillage énergétique et si elles empêchent l'observation du ciel nocturne ».

L'arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses impose – sauf dérogation spéciale – d'éteindre les lumières éclairant le patrimoine et les jardins publics au plus tard à une heure du matin ou une heure après la fermeture du site. Même injonction pour les locaux des entreprises et les vitrines de magasins, qui ne doivent pas non plus être éclairés au-delà d'une heure après la fin d'occupation des lieux. Le texte précise que ces mesures peuvent être adaptées si les installations sont couplées à des dispositifs de détection de présence ou à un dispositif d'asservissement à l'éclairement naturel.

Les préfets sont même autorisés à prendre des dispositions plus restrictives en cas de « sensibilité particulière aux effets de la lumière d'espèces faunistiques et floristiques ou de continuités écologiques ». L'arrêté fixe même des prescriptions techniques (répartition du flux lumineux, température de couleur, etc.) à respecter en agglomération, hors agglomération et dans les espaces naturels protégés.

La loi biodiversité (2016), transposée dans le code de l'environnement, inscrit les paysages nocturnes dans le patrimoine commun de la nation et affirme la nécessité de veiller à leur protection… Y compris en milieu marin, où les émissions lumineuses d'origine anthropique font partie des sources de pollution. Quant à la loi sur la transition énergétique de 2015, elle impose aux intercommunalités exerçant la compétence en matière d'éclairage d'inclure dans leurs plans climat-air-énergie territoriaux un volet spécifique à la maîtrise de la consommation énergétique de l'éclairage public et de ses nuisances lumineuses.

Un nouveau plan lumière pour Paris ?

Selon le Syndicat de l'éclairage, aujourd'hui en France, au moins 40 % des luminaires en service ont plus de 25 ans et présentent donc un vaste potentiel de réduction des nuisances lumineuses et des consommations d'énergie… Grâce notamment à l'utilisation de lampes plus efficaces, à une meilleure orientation de la lumière, à des systèmes permettant d'adapter la quantité de lumière émise aux besoins, et même à la réduction minimale de l'éclairage en pleine nuit dans certaines zones.

Une grande partie du combat contre la pollution lumineuse passe par une politique plus réfléchie des municipalités et de leurs partenaires spécialisés dans l'éclairage public. Un signal devrait être donné à l'occasion de l'appel d'offres lancé par la mairie de Paris dans ce domaine. Si aucune information n'a encore filtré publiquement, il semble évident que la lutte contre la pollution lumineuse sera prise en compte.

Un « plan lumière » visant à faire de Paris « une ville lumière responsable », proposé par le groupe des Radicaux de gauche au conseil de Paris, a d'ailleurs été voté le 2 avril 2019 par les élus parisiens et intégré au cahier des charges de l'appel d'offres. Objectif affiché : diminuer la consommation d'énergie de la capitale et lutter contre la pollution lumineuse, tout en continuant de mettre en valeur le patrimoine exceptionnel de la ville, plus particulièrement la nuit, et en garantissant la sécurité et le bien-être des habitants. Actuellement, Paris compte 345 000 points lumineux dont 192 000 d'éclairage public.

La ville devrait notamment se doter d'une « trame noire », conformément au Plan Biodiversité adopté en 2018. Il s'agit de prendre en compte l'ensemble des continuités écologiques caractérisées par leur obscurité pour les préserver ou les restaurer, en particulier dans les parcs, les jardins et les bois. Le but est de limiter la fragmentation et la dégradation des habitats des animaux par la mise en place d'un réseau adapté à la vie nocturne. Des expérimentations sont en cours, notamment Square René Le Gall dans le 13e arrondissement, et des projets de trames noires ont déjà vu le jour, par exemple à Lille ou dans le Parc des Pyrénées.

Il s'agit également de lutter contre la pollution lumineuse des panneaux publicitaires et de sensibiliser les entreprises et les commerçants aux normes en vigueur et aux effets néfastes d'une lumière non maîtrisée. Et même d'offrir la possibilité aux particuliers de signaler les enceintes lumineuses qui ne respecteraient pas les règles grâce à l'application « Dans ma rue ». Les élus Verts à la mairie de Paris souhaitent également que des éclairages « intelligents », dotés de capteurs de présence, soient intégrés dans les espaces verts et sur la voie publique.

Paris pourra s'inspirer des exemples d'autres grandes villes du monde, comme la cité américaine d'Albuquerque au Nouveau-Mexique ou la capitale danoise Copenhague, qui ont intégré avec succès la lutte contre la pollution lumineuse à leur plan lumière, avec leur partenaire français spécialiste de la « smart city ». Avec son programme d'éclairage global baptisé « EnvisionABQ » et la mise en place d'une plateforme « ville intelligente », Albuquerque va réaliser 58 % d'économies d'énergie et réduire la pollution lumineuse, tout en augmentant la visibilité dans la ville et les zones couvertes par les caméras de vidéosurveillance.

Quant à Copenhague, qui vise la neutralité carbone à l'horizon 2025, son vaste plan de rénovation de l'éclairage public lui a permis de réaliser 55 % d'économies d'énergie par rapport à l'ancien éclairage (et même de 77 % sur les 18 800 points lumineux rénovés en LED), de réduire ses émissions de CO2 de 3 200 tonnes par an… Mais aussi de minimiser la pollution lumineuse en portant une attention particulière aux zones qualifiées de vulnérables et de conservation, et en intégrant à son plan lumière le respect de la vie nocturne et de la biodiversité.

Source : https://www.notre-planete.info/

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