Les aires protégées, un moyen efficace de lutte contre la déforestation tropicale ?


Adoptés dans les années 2010 par 193 États, les objectifs d’Aichi cherchent notamment à freiner l’appauvrissement des milieux naturels, en particulier des forêts dites « primaires », désignant celles où selon l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture « aucune trace d’activité humaine n’est clairement visible et où les processus écologiques ne sont pas sensiblement perturbés ». Ces forêts primaires se situent principalement en Amérique latine, dans le bassin du Congo ou en Asie du Sud-Est.

« Points chauds » de la biodiversité, ces forêts remplissent de multiples fonctions et fournissent de nombreux « services écosystémiques » aussi bien au niveau global – stockage du carbone, plantes aux vertus thérapeutiques – que local – purification de l’eau, microclimat, prévention de l’érosion des sols.

Les produits ligneux (bois de chauffe, charbon de bois, bois de construction, grumes, etc.) et non ligneux – biens et services pouvant être vendus, autoconsommés ou utilisés par l’industrie comme sources de matière première et qui proviennent des ressources renouvelables et de la biomasse forestières (y compris parfois l’écotourisme) – permettent la subsistance des populations vivant proches des forêts, et qui souffrent souvent de revenus faibles. Pour eux, la forêt représente un filet de sécurité.

Parmi les instruments de préservation de la forêt, l’aire protégée correspond à « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés », selon la définition consacrée par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

Les objectifs d’Aichi recommandent que, d’ici à 2020, les aires protégées représentent 17 % des zones terrestres et des eaux intérieures. Au cours des dernières années, les aires protégées ont vu leur superficie augmenter : on évalue aujourd’hui à un peu moins de 15 % la proportion des surfaces terrestres protégées et des eaux intérieures – à l’exclusion de l’Antarctique.

L’objectif d’Aichi est donc presque atteint.

Certaines de ces aires offrent une protection intégrale où l’activité humaine est interdite ou strictement contrôlée (réserves naturelles intégrales, zones de nature sauvage, parcs nationaux et monuments ou éléments naturels) tandis que d’autres font l’objet d’une protection partielle avec des activités économiques contrôlées. Il s’agit des aires de gestion des habitats ou des espèces, des paysages terrestres ou marins protégés ou bien des aires protégées avec utilisation durable des ressources naturelles. A ces aires, précisément définies par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, il faut ajouter les terres dévolues aux peuples premiers, comme cela a été le cas au Brésil.

En 2009, les populations natives de différentes tribus s’étaient réunies à Bélem, au cœur de l’Amazonie brésilienne, pour alerter sur la déforestation.

Une déforestation persistante

Malgré cette démarche de protection, les pertes en biodiversité se poursuivent et la déforestation continue de progresser.

La superficie forestière, qui s’élevait à 31,6 % des terres émergées en 1990, n’était plus que de 30,6 % en 2015, selon l’évaluation des ressources forestières mondiales réalisée par l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture.

Les forêts primaires, qui représentent un tiers de cette superficie totale, sont plus affectées par la déforestation que d’autres types de couverts forestiers, moins riches en biodiversité.

Le rythme de déforestation s’est toutefois ralenti ces dernières années, et certains signes sont encourageants.

Dans le cas de l’Amazonie brésilienne, région traditionnellement exposée aux pressions forestières en raison des activités minières ou de la conversion des terres en surfaces agricoles, on observe depuis le début des années 2000 que les aires protégées augmentent significativement en surface, et que la déforestation connaît quant à elle un net déclin. Cependant cette tendance peut être remise en question par des changements d’orientation politique, qui encouragent in fine la déforestation.

En restreignant l’accès à la forêt, les aires protégées semblent donc contribuer à la préserver. Mais, comme souvent en économie, ce système génère aussi des effets contraires.

Efficaces à certaines conditions

En augmentant de 10 % la surface des aires bénéficiant d’une protection intégrale, on réduit la déforestation de 10,2 %, selon notre analyse. De même, les aires dont la principale fonction est de défendre l’espace vital des peuples autochtones permettent également de réduire la déforestation. Mais encore une fois, ces« terres indigènes » peuvent être fragilisées par les aléas politiques.

Nous n’identifions en revanche pas une efficacité des aires protégées « partielles », qui autorisent une activité économique par exemple l’agriculture.

Autre élément très important, l’hypothèse d’une « fuite de déforestation » entre les localités est écartée. Les résultats montrent que les aires protégées intégrales et les aires autochtones réduisent non seulement directement la déforestation dans les municipalités concernées, mais aussi indirectement dans les municipalités voisines. Sachant que les aires protégées intégrales ne représentent que 19 % du total des zones conservées dans la zone, sauvegarder la forêt amazonienne exigera d’étendre ces efforts.

Une préservation durable de la forêt n’est toutefois possible que si les intérêts économiques des ménages vivant dans son voisinage sont considérés. Pour mieux en tenir compte, il s’agit désormais de comprendre de quelle façon les aires protégées affectent les revenus des communautés dépendantes de la forêt.

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